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lundi 22 juin 2015
La neutralité du net est-elle possible technologiquement ?
"La neutralité du net est le principe selon lequel l'ensemble du trafic de l'internet est traité de façon égale, sans discrimination et indépendamment de l'expéditeur, du destinataire, du type, du contenue, de l'appareil, du service ou de l'application" (Source Rapport du CNN Ambition Numérique Page 36).
Au premier abord, tout un chacun, normalement constitué, ne peut, qu'en son bon sens, approuver.
Ce principe s'étend dans la période actuelle, inscrit dans la loi néerlandaise et slovène et réaffirmé par la Federal Communications Commission (FCC) dont son avis avait été rendu public ce mois de Mars 2015.
Ce principe va voir le jour dans la loi Française puisqu'annoncé dans la future loi sur le numérique Français.
Mais en y réfléchissant, ce principe, sommes toutes souhaitable, est-il véritablement implémentable ?
Ne s'agirait-il pas d'une nouvelle ligne Maginot dont les Français dans leur habitude sont si friands ?
Soulignons que par ce principe, tous les créateurs de contenu profitent du net sans investir quoi que ce soit dans son infrastructure. Ce qui privilégie la création mais permet aussi la prédation des plus gros consommateurs (au sens création de consommation de bande passante) sur les plus petits. C'est la critique la plus fréquente qui est énoncée contre cette neutralité.
En allant plus loin, l'internet en tant que bien public peut-il être à ce point accaparé par les services à plus fort succès ? C'est contraire d'ailleurs à la notion de bien public, dont la définition même est une consommation collective pas individualisable. Par exemple, nous consommons tous en ce moment la Défense Nationale en étant collectivement protégés. Est-ce identique sur le net ? Non. Mon voisin profite par exemple de vidéos sur demande et accapare le réseau sous terre du Câble de ma rue en nous empêchant à certaine heures de nous connecter. C'est identique sur le réseau global qui peut connaître des congestions par des services soit à fort taux d'utilisation soit avec un poids significatif (Vidéo par exemple) ? Si on laisse faire le premier arrivé est égal au premier servi, ou une forme de tirage au sort, il est à craindre que services soient mécaniquement privilégiés. La ressource internet est finie en bande passante donc la neutralité peut avoir des effets négatifs non prévus.
Notons aussi que ce sujet n'est pas facile car il évolue au fil des avancées technologiques, elles mêmes exponentielles.
Ainsi, le protocole IP permet de définir des niveaux de priorité différents pour les données qui composent le trafic Internet (champ "DSCP" dans IPv4 et « Traffic Class » dans IPv6). C'est défini et utilisable en urgence notamment en cas de congestion. Les équipements et notamment les routeurs qui composent l'architecture physique du réseau autorisent les opérateurs à tenir compte des niveaux de priorité indiqués, et ainsi de gérer de façon différenciée les paquets de données transportés.
Après, ce n'est pas parce qu'une fonctionnalité existe qu'elle est utilisée et c'est peut être même preuve du besoin de ce principe.
Les analyseurs de flux et les gestionnaires de priorités (Softwares) existent donc et permettraient une premiumrisation du net. La loi suffirait-elle pour l'empêcher ? L'extraterritorialité de la loi n'est pas non plus envisageable à ce niveau.
Les technologies de CDN (Content Delivery Network) sont aussi un frein à ce principe de manière indirecte. Fort coûteuses (Akamaï, BrightCove,..), elles permettent une collaboration entre serveurs pour éviter de transporter des données. Ainsi si un utilisateur "Langda" demande une page à un serveur internet juste avant un utilisateur "Martin", cette technologie ayant gardé une trace de la page en cache de Langda, la fournit à Martin sans faire appel au serveur d'origine. Je simplifie à outrance. Donc moins de consommation de la bande passante.
Mais donc dans ce cas, les services qui auront pu financer l'utilisation de telles technos seraient privilégiés car plus efficaces, notamment en cas de congestion sur les noeuds, ce qui est contraire au principe même de la neutralité.
Il existe donc des moyens techniques
C'est en fait un sujet éminemment technologique dont je doute qu'il soit uniquement à laisser entre des mains, certes brillantes, mais aussi littéraires.
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Bon billet. Je ne m'étais pas posé la question de la neutralité du net sous cet angle ou du moins le fait qu'il y en ait deux : le politique et le technique.
RépondreSupprimerPar exemple, quand un type se connecte sur jegoun.net, c'est à moi de décider de ce qu'il y voit. Par contre si les opérateurs techniques (le FAI ou l'hébergeur) veulent utiliser des moyens techniques pour améliorer l'affichage, diminuer la bande passante, je m'en fous.
Ce qui me fait voir un troisième axe : les proxy d'entreprise s'assoient sur la neutralité du net. Qu'ils empêchent l'accès à YouTube est compréhensible (encore que) mais si je décide de mettre une vidéo YouTube dans mon blog, elle n'est pas visible (or, je diffuse peu de vidéos, mon blog ne peut pas être catégorisé comme un site de vidéos).
Cela étant, c'est un vaste sujet.
C'est un excellent exemple que cette histoire de Proxys aussi. C'est un sujet complexe et je pense qu'il y a d'autres incompatibilités. Pas simple.
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