lundi 5 janvier 2015

Les experts s'amusent

L'année 2014 a été fatale pour les experts.

Aucun n'a pu prévoir ce qu'il s'est passé et a même prévu le contraire de ce qui est réellement arrivé.

Tant la chute du prix du baril de plus de 50 % que la performance du CAC de -10 % que la baisse des taux d'intérêt à 0,90 % pour un emprunt d'état à 10 ans leur ont totalement échappé.

On peut emprunter en prêt immobilier, ce mois de Janvier 2015, à 2,10 % sans négo sur 10ans, plus précisément pour des travaux immobiliers à 1,35 %. Rendez-vous compte !

C'est bien à une catastrophe généralisée de l'expertise que nous sommes en train d'assister. Mais ceci n'est pas complètement étonnant car l'expertise comme le consulting sont peut être en disruption aussi.

D'abord qui sont bien tous ces experts ? C'est assez frappant de constater qu'ils ne sont que rarement nommés et n'ont jamais de visages. Ils sont interpellés dans un anonymat le plus total, utilisés, mentionnés,  je dirais même instrumentalisés sans que l'on ne sache rien de précis sur eux. Mais qui sont bien tous ces experts auxquels il est tant fait de fois référence ?

Quels sont leurs CV ? Sur quoi repose bien leur expertise ? Sur des diplômes, des expériences ? Sont-ils forcément des universitaires ? Ou sont-ils des professionnels ?

Y-a-t-il un parcours de l'expertise qui soit reconnu au sein des entreprises ou des organisations en général ?

Les experts sans visages parlent souvent et se trompent carrément.

Et même quand ils ont un visage, le résultat peut être étonnant.
J'ai été ainsi frappé par Jean Tirole, tout frais Nobel d'économie, pris au dépourvu au journal de France 2 par la question du présentateur sur ce qu'il faudrait faire pour relancer l'économie française. Cela fait peur l'Etat d'urgence dans lequel se trouve l'Economie Française si même le champion mondial d'économie est désemparé par la question.

Mais c'est aussi un peu normal, car les experts subissent comme d'autres professions des forces d'évolution plutôt disruptives.

Complexité du monde. On est expert de l'état d'un sujet d'il y a 6 mois. On n'est jamais expert du moment présent. Tout va si vite que c'est devenu impossible. C'est surtout pour cela que la plupart des experts disent maintenant des conneries.

A l'inverse, tout le monde est devenu expert. 

L'économie de la connaissance et les outils actuels de recherche documentaire font de n'importe qui un expert sur n'importe quoi.

Cela fait partie d'une tendance d'avoir des experts en tous genres sur tout. Il est tellement facile de se faire une culture rapide d'un sujet.

C'est d'ailleurs même un problème en soi car on écoute aussi plein de kékés qui s'y connaissent s'y peu. En bref, une expertise à la "Bluff your way" domine l'actualité.

La Culture du parapluie. L'aversion au risque est telle qu'il est aussi devenu plaisant et un réflexe d'appeler des experts en tout genre pour se couvrir. Ceci développe mécaniquement l'expertise et surtout son ampleur.

De fait, il est devenu crucial de reconnaître un expert.

Le signe qui ne trompe pas : on reconnaît un bon expert à ce que, lorsqu'il vous répond, on ne comprend plus ce qu'on lui avait demandé. Voilà tout est dit.

18 commentaires:

  1. On est d'accord. Je vais néanmoins nuancé. Les experts, c'est comme les consultants, il y a les bons et les mauvais. Ce sont mes deux derniers boulots.

    Je suis expert. C'est indiqué sur la fiche de poste. Mon job n'est pas de faire des prévisions mais de faire que mon patron prenne les meilleures décisions et que ma boîte fasse les meilleurs logiciels en fonction de l'état de l'art.

    Par ailleurs, l'économie est un secteur particulier où l'on prend trop ce secteur pour une science. L'histoire de l'andouille qui a refusé la légion d'honneur est un bon cas. Le type disait ce qu'il pensait bon pour l'économie (à juste raison, je ne remets pas en cause son expertise). Donc les gauchistes disent il a raison de refuser on ne l'a pas écouter. Sauf que ce qu'il préconisait ne serait pas passé dans l'électorat. Donc autant pisser dans un violon. Les classes moyennes seraient descendues dans la rue et le Front National aurait pris le pouvoir (en gros, hein !).

    Par ailleurs, l'expert en économie ne pouvait pas prévoir la crise en Ukraine et une potentielle guerre froide.

    Il ne faut pas dénigrer les experts mais seulement ceux qui prennent leurs propos pour parole d'evangile.

    Et tous les experts se sont plantés : ils avaient tous prévu une sortie de la crise fin 2013. Les décideurs les ont suivi (dont Hollande).

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  2. J'ai rien compris à ce que tu dis sur Piketty et sa légion d'honneur.
    Mais, avoue que les experts se plantent très souvent sauf toi ?

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  3. Les experts n'écoutent jamais. Contrairement à ceux qui se plantent ?

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    1. Disons que l'expert n'est pas le décideur... Ce n'est pas à lui d'écouter (sauf que pour accroître son expertise, il doit apprendre donc écouter). Par ailleurs, l'expert n'est pas universel !

      Je suis l'avocat du diable, hein ! D'ailleurs je dis dans mon premier commentaire que je suis d'accord avec toi. Mais l'expert n'est pas responsable de tout. Les médias aiment bien recevoir des experts pour donner la bonne parole. Les gens aiment bien les experts. Ils critiquent les experts qui ne sont pas de leur bord... Par exemple, les gauchistes vont chier sur les experts libéraux et encenser Piketty.

      Dans mon job, on a souvent des combats d'experts : on se bat pour savoir ce que serait la meilleure logique applicative pour remplir telle ou telle fonction (j'ai un avantage par rapport à mes confrères : j'écris très facilement). Il n'empêche qu'il y a des décideurs au dessus, avec leurs équipes, qu'il faudra convaincre. Or, on ne peut pas être expert en tout... Donc on est obligé d'écouter les autres experts...

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    2. Mais des experts qui écoutent d'autres experts, cela devient une usine à gaz d'expertise. C'est trop compliqué d'être entouré d'experts car ils compliquent tout. D'ailleurs aussi, l'expansion sans fin de la réglementation explique aussi le développement de l'expertise. Bref tout ceci vaut un post.

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    3. OK pour la deuxième partie de ton commentaire (l'expansion sans fin de la réglementation, il y aurait à dire puisque ce sont les cabinets d'expertises qui pondent cette réglementation, généralement, je le sais, j'ai bossé dans ce contexte).

      Pour le reste, non. Dans ma direction, on est deux à être "expert" sur une trentaine. Par ailleurs, je crois que j'avais fait un billet sur le thème : le seul vrai expert est l'expert généraliste, celui qui sait faire le lien entre les spécialistes de chaque domaine (nommé "experts" à tort). Tu prends un expert automobile : son boulot n'est pas de réparer une voiture, ce n'est pas un carrossier, c'est un type qui sait fait l'intermédiaire entre un client, une assurance et un carrossier, car il connait le métier de l'assurance et celui de la carrosserie.

      C'est le spécialiste qui est chiant et nuisible. Par exemple, le carrossier (mais c'est vrai dans l'informatique aussi) va te dire comment faire la meilleure réparation alors que tu veux la meilleure réparation compte tenu de la valeur résiduelle de la voiture et de ce qu'il est raisonnable de faire payer.

      (mon billetde l'époque - je ne l'ai pas relu).

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    4. Deux experts sur 30, cela donnerait nationalement 4 millions d'experts en France, cela correspond. Il y a d'ailleurs peut être plus d'experts que de managers. Je me méfie des experts carrossiers qui te réduisent à rien les frais de réparation. C'est une catégorie d'expert dont il faut e mefier.

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    5. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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    6. J'ai supprimé mon commentaire parce que je vais faire un billet avec un lien vers ici et mes précisions étaient un peu trop précises...

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  4. En fait, oui, je voulais te le dire, cela me semblait un peu trop open data. Tu as bien fait.

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    1. Non, je m'en fous, mais comme je vais faire un lien direct, faut pas trop charger la mule...

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  5. J'aime beaucoup ta conclusion, elle est valable pour les très bons hommes politiques d'ailleurs.

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  6. "Le signe qui ne trompe pas : on reconnaît un bon expert à ce que, lorsqu'il vous répond, on ne comprend plus ce qu'on lui avait demandé. Voilà tout est dit." Si cette conclusion était vrai, le monde serait en danger compte tenu du nombre de décisions prises sur conseil d'experts. Je pense qu'un expert est tout d'abord quelqu'un qui maîtrise quelques outils d'analyse qui lui permettent de contribuer à une prise de décision. Comment contribuer à une prise de décision si vous ne pouvez pas communiquer, dans un langage simple et compréhensif au commanditaire, les résultats de votre analyse? Donc la maîtrise des outils ne suffit pas. Voilà pourquoi tous les professeurs d'université, tous les spécialistes, aussi compétents qu'ils soient, ne peuvent pas et ne doivent pas s'improviser expert.
    Aussi, la maîtrise des outils d'analyse nécessaire pour être un expert nécessite la connaissance, la réactualisation et l'accumulation d'expérience dans l'utilisation de ces outils. Un expert a normalement été confronté à des cas différents dans son domaine d'expertise, ce qui lui permet de se prononcer ou formuler des hypothèses dans une situation nouvelle. Il me semble qu'il est très dangereux de baser sa décision sur une hypothèse d'un expert aussi expérimenté qu'il soit. C'est plutôt cette tendance qui pousse certains qui ont la communication facile de s'improviser expert. Les conséquences sont désastreuses!
    Oui, un expert peut se tromper soit parce que ses outils ne sont pas adaptés, soit parce qu'il y a asymétrie d'information. C'est ici qu'on peut reconnaître un vrai expert dans sa capacité à remettre en cause ses outils et ses connaissances pour les réactualiser.
    L'expert est donc loin d'être une imposture ou posture. Il doit disposer des outils, les réactualiser et savoir communiquer son conseil. Les écarts entre son conseil et la réalité sont des sources d'amélioration parfois nécessaire. La société a et aura toujours besoin d'expert.

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  7. http://www.project-syndicate.org/commentary/are-economists-good-by-robert-j--shiller-2015-01

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